Féministiques

Affaires féminines

Enimie, Elisabeth, ou la difficulté d’être d’une princesse

by Antagonisme

Tout commence avec Sainte Enimie, dont j’ai découvert l’histoire en vacances, en Lozère, chez des amis. Résumons brièvement son histoire, qui est légendaire, et nullement attestée, et pourtant, j’en suis intimement convaincue, tout à fait exacte.
Enimie est une princesse mérovingienne, extrèmement belle, bien entendue, et de surcroît, toute emplie de charité chrétienne, c’est-à-dire, préoccupée par les affaires sociales, comme nous dirions aujourd’hui : elle consacre une grande partie de son temps à soigner les lépreux, les boiteux, à aider les pauvres et les nécessiteux. Elle vécut au début du VIIème siècle, était la fille de Clotaire II, et la soeur de Dagobert, et vivait probablement dans le nord-est de la France, dans l’ancienne Austrasie.
Son père souhaite la marier, mais la princesse refuse et se dit mariée à Dieu, époux fort commode, surtout comparé à un prince franc de l’époque. Le père, le roi mérovingien Clotaire II, n’en prépare pas moins le mariage, sans s’occuper de son avis.
C’est alors que la princesse se tourne vers Dieu et lui demande de lui venir en aide pour l’aider à conserver sa pureté.
Nous allons voir de quelle façon Dieu lui vint en aide, mais franchissons avec désinvolture quelques siècles et penchons nous sur la cas d’une autre jeune femme, dont le destin est relativement proche, Elisabeth d’Autriche, plus connue sous le nom de Sissi.
Mais nous ne pensons pas, malgré tout son talent et son charme, à la Sissi de pacotille incarnée par Romy Schneider, à laquelle, par pur souci de me démarquer, je n’accolerai pas l’adjectif pourtant mérité d’inoubliable. Non, nous penserons à la vraie Elisabeth. La deuxième fille du duc Maximilien en Bavière et de la duchesse Ludovica de Bavière, quatrième enfant d’une fratrie de dix, issue d’une union sans amour, entre une mère ambitieuse et un père volage, élevée dans la liberté et l’indépendance, puis mariée à 15 ans à l’empereur François-Joseph Ier d’Autriche, tombé amoureux d’elle par hasard, alors qu’on lui destinait sa soeur Hélène.
Elisabeth, en plein XIXème siècle, n’a pas eu la chance d’Enimie, comme on va le voir ; peut-être aussi subit-elle l’influence pernicieuse du romantisme, qui a produit des romans à l’eau de rose racontant des histoires de jeunes filles qui s’éprennent de leurs princes et vivent ensuite heureuses, forcément heureuses, au milieu d’une ribambelle d’enfants – toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite, bien entendu.
Enimie, la princesse franque, a aussi entendu des histoires, sous formes de vies de saints ou de saintes, qui, à son époque, se comportent tous de la même façon : ils refusent carrément le destin qu’on leur propose pour vivre à l’écart du monde (en cette période de transition entre l’Antiquité et le Moyen Age classique, l’érémitisme est à la mode), ou bien, ayant vécu dans le monde, père de famille, notables établis, ayant mariés leurs enfants, ils renoncent à leurs biens ou les distribuent et embrassent (souvent avec leurs épouses) la carrière écclésiastique, qui fait assez fréquemment suite à une « carrière » dans l’administration urbaine, plus axée sur les problématiques financières ou politiques, dont elle est en quelque sorte la suite socio-éducative. Telles sont les histpires dont les évêques et confesseurs de la jeune princesse ont pu lui parler.
Elisabeth d’Autriche, douze siècles plus tard, se laisse donc marier non sans une naïveté dont je me plais à imaginer Enimie, vivant dans une époque plus dure, totalement dépourvue. Peut-être même cette dernière a-t-elle déjà eu à repousser avec véhémence les avances d’un guerrier de son père, les Francs ne donnant pas précisément dans le subtil. Sa soeur du XIXème siècle devient tout simplement l’impératrice d’Autriche, un titre qui lui a peut-être plus fait tourner la tête que la perspective offerte à Enimie d’épouser un duc ou comte de l’armée de fidèles de son père.
On connaît la suite de l’histoire d’Elisabeth : élevée sans contrainte, narcissique, le jeune impératrice se trouve soumise à la pesante étiquette viennoise, et découvre qu’on attend d’elle qu’elle soit disponible à toutes les modanités impériales et soumise à son mari. Par ailleurs, Élisabeth se sent surveillée par sa belle-mère et par l’entourage impérial. Son mari, qui l’adore, est souvent absent, accaparé par les obligations de sa fonction, et ne revient que très tard dans la soirée de Vienne.
Ses trois premiers enfants naissent entre 1855 et 1858, et sa belle-mère, déçue par l’attitude capricieuse et égocentrique d’Elisabeth, fort peu conforme à l’idée qu’elle se fait d’une impératrice, les lui enlève pour les élever. Sa fille ainée meurt, son mari part à la guerre, Elisabeth s’occupe en transformant le château de Laxenbourg en hôpital pour soigner les blessés de guerre. De retour de la guerre, son mari la délaisse et retrouve les femmes qu’il a connu avant son mariage. C’en est trop pour la jeune femme. D’où la profonde dépression dans laquelle elle tombe.
C’est alors que quelque chose de tout à fait intéressant se produit. Elisabeth se met à tousser : on lui diagnostique une tuberculose et on l’envoie à Madère. Elle revient ensuite à Vienne, et, fait intéressant, elle rechute aussitôt : elle est alors envoyée à Corfou. Elle finit par revenir à Vienne, après avoir été absente deux années, et accepte sa situation avec plus de sérénité, tout en faisant de fréquent voyage.
Revenons maintenant à Enimie, en pleine époque mérovingienne. Son père veut la marier, ai-je dit, et elle demande à Dieu de l’aider à « conserver sa pureté », ce qui revient à conserver son célibat. Et voilà que Dieu l’exauce ! Il lui envoie une lèpre qui la défigure, et fait évidemment fuir les prétendants. Aucun médecin ne parvient à la guérir. La princesse fait encore appel à Dieu et celui-ci lui envoie une ange messager, qui lui demande de se rendre dans le Gévaudan, dans un lieu appelé Burlatis. Elle y rencontrera des bergers qui lui indiqueront une source dont l’eau guérira sa maladie.
Naturellement, il faut supposer que le caractère surmaturel du message imposa le respect au père de la princesse, qui espérait certainement sa guérison. Enimie eut donc le droit de partir avec sa suite. Tout se passa comme l’ange l’avait dit : après s’être baignée dans la source, elle guérit : un vrai miracle.
De ce fait, il est décidé de rentrer au palais : mais à peine s’éloigne-t-elle de la source que la maladie réapparaît. La princesse retourne à la source, se baigne à nouveau, guérit, repart avec son escorte, est à nouveau atteinte du même mal, revient sur ses pas, se baigne, guérit… et comprend qu’elle va devoir passer le reste de sa vie sur le causse.
Enimie s’installe donc dans une grotte, ne gardant que sa filleure avec elle, tandis que sa cour s’installe dans des hameaux au bord du Tarn. Enimie fonde un couvent et un hôpital, ai-je lu dans des récits d’histoire locale.

On voit donc la similitude entre les deux princesses – mais aussi les différences. Les deux utilisent la maladie comme prétexte, qu’elle soit psychosomatique ou simulée, pour s’éloigner, mais Enimie se débrouille pour obtenir une indépendance qu’Elisabeth n’obtiendra jamais. Au contraire, celle-ci profite de sa richesse, en tant qu’impératrice, et une vraie vie de people d’il y a un siècle, avec les mêmes caractéristiques que bon nombre de people de nos jours (modification corporelle, probable anorexie). D’un autre côté, Enimie a peut-être été beaucoup plus précurseuse qu’on ne le croit : n’a-t-elle pas vécu seule avec une autre femme pendant des années sur un causse, inventant toute seule au sud de l’Auvergne la vie en communauté libertaire lesbienne ? A moins que cette filleure n’ait été en réalité sa fille, ce qui ferait d’elle une des premières mères célibataires, ayant réussi à mener une vie libre au prix de quelques aménagements avec la vérité ?
Elisabeth mourra assassinée, en 1898, par un homme qui voulait attirer l’attention sur lui par un coup d’éclat ; Enimie mourra, avec 628, après avoir passé sa vie dans sa grotte, avec sa filleule, et sera enterrée dans un lieu que les femmes de son monastère ont tenté de garder secret.
Quand je lisais des livres d’histoires, enfant, j’aimais à me fondre dans l’exotisme du passé, qu’il soit romain, médiéval, persan, ou indien. Aujourd’hui, je ne cesse d’être frappée par l’actualité de ce passé, dès qu’on cesse de se laisser abuser par les apparences. En somme, hommes et femmes, à toutes les époques, vivent des vies plus semblables qu’on ne le croit, et se contentent de trouver des solutions adaptées à l’esprit du temps, à des difficultés qui se font mystérieusement écho à travers les siècles.

Crédit photos : CielLe-paris

Les rêves sont les seuls souvenirs

by Antagonisme

Pour aller chez Gabrielle et Capucine, il fallait passer par ces allées poétiques, désuètes et mystérieuses, fleurant bon le Second Empire, de la petite banlieue où je résidais ; sortir de chez moi, contourner le jardin ensauvagé de la maison qui faisait face à la nôtre, arracher quelques branches folles de glycines ou de chèvre feuille qui passaient à travers le grillage, traverser une première route, juste au sortir du vaste et calme rond point qui expédiait les routes vers les champs de salades d’une ville voisine, vers le château royal d’une autre, vers la gare et son mystérieux et effrayant au delà parisien, marcher sur les trottoirs de sable fin bordés de gazon (ainsi étaient-ils à l’époque), tourner à droite, puis à gauche, déboucher sur une allée réservée aux riverains, fermée par une chaîne.

La barrière qui séparait la maison de la rue était en bois, portée par une base en pierre meulière, et si décrépite que l’on ne savait plus si elle soutenait les branches des arbustres qui s’emmélaient autour d’elle ou si ces branches retenaient les barreaux de bois dont la peinture s’écaillait par grosses plaques. La porte raclait le sol, je ne l’entrouvais qu’à demi pour m’y glisser. L’allée était bordée d’arbustes sauvages qui voulaient me barrer la route. C’était le château de la belle au Bois dormant.

Mes deux amies m’accueillaient drapées dans d’improbables châles, car il n’y avait pas de chauffage central dans la grande maison. Nous prenions les vélos et nous rendions jusqu’au magasin de jouets de la ville, pour nous y perdre une heure ou deux. La vendeuse nous connaissait et s’amusait de nous voir, qui regardions et n’achetions rien – jusqu’à un certain point. Nous regardions les maisons de poupées miniatures et les poupées de grande taille, toujours mise en scène dans des intérieurs anglais, avec petites tables, nappes, tasses à thé, théières, faux gâteaux, buffets décorés d’assiettes, fauteils avec coussins, canapés.

Quand nous avions bien remplis nos yeux de tout cela nous allions plus loin, à la bibliothèque, nous empruntions les planches de reproduction de peinture qui nous convenaient (Renoir, David, Matisse) et nous revenions chez elles. Nous avions décidé tout simplement de recréer tout un univers : une maison de rêve, palais vénitien de la Belle au Bois dormant, Neuschwanstein tout confit de tiédeur scandinave à la Carl Larsen, maison d’été de Shéhérazade. Nous goutions dans la salle à manger tout en jouant à fabriquer notre maison -univers : les tasses à liséré doré et la théière assortie, qui me donnait l’impression d’être moi-même dans une maison de poupée géante et parfaite, cotoyaient sur la nappe en jour d’angle blanc sur blanc des tissus, papiers, rubans et galons de toute sortes et de toutes tailles : en soie, en lainages, en coton, en gaze, dentelles, vert, or, argent, rouges, blancs, bleus et d’images de revues que nous découpions soigneusement. Pour les meubles en bois, nous étions obligée de coller le plus soigneusement possible des photos de meubles sur des boites de pâtes Rivoire et Carret.

Ma spécialité, c’était la confection de « lits de repos ». Mes grands parents avaient dans leur salon un lit de repos, très Empire, et lorsque je lui demandais quelle était la différence entre un lit et un lit de repos, ma grand mère ne savait rien me dire d’autre que : mais le lit de repos se met dans le salon. La seule différence résidait donc dans la localisation du lit, pensai-je à l’époque, ou plus précisement, ai-je maintenant compris, dans l’usage qu’on comptait en faire.

Je n’avais pas compris cela mais j’aimais la fonction floue des lits de repos et je fabriquais et décorais des lits de repos partout. On sait à quoi sert un lit. La fonction d’un fauteuil ou d’un canapé est nette aussi, c’est pour s’asseoir dans un salon, quand on reçoit des gens ou que l’on veut lire. Mais les lits de repos, sont des meubles un peu comme les tables à café, ou les tables basses que l’on place dans une pièce à côté d’un canapé ou d’un mur. A quoi cela sert-il ? A placer des photos, des bibelots, des souvenirs, des objets qui donnent le caractère à votre maison. De même, le lit de repos ne pouvait pas servir à s’asseoir commodément (j’avais essayé chez ma grand mère : on peut bien sûr, techniquement, s’y asseoir, mais on était alors obligé de se tenir très droit, les pieds touchant le sol, bien plus bas, dans un position très raide ; non, le lit de repos est un lit, il faut s’y coucher, s’y lover, s’y nicher, à l’aide d’accessoires comme des coussins, l’accessoire paresseux par excellence).

Le lit de repos, qui n’est plus guère à la mode dans notre époque trop rapide, constitue une sorte d’évolution parallèle, secrète, me plais-je à penser, du lit, dont la fonction évidente semble être de dormir. Pourtant, les premiers lits ne servirent pas à dormir, et ils furent d’abord associé au pouvoir : dans les civilisations mésopotamiennes, quand l’homme ordinaire dormait sur des paillasses ou des peaux de chèvres, le roi dormait dans un lit d’apparat qui symbolisait son pouvoir et marquait sa différence avec le commun. Les bas relief assyriens nous montrent des lits qui servent pas à dormir, mais à manger. Au Moyen Age puis à la Renaissance, les seigneurs dorment dans des lits simples mais reçoivent dans des lits d’apparat. A partir de la Renaissance et jusqu’à la Révolution, le lit devient de plus en plus important, toujours dans des fonctions d’apparat. Les rois ont des lits extravagants, comme Louis XIV qui en possédait plus de quatre cent, ornés de chevets et de garnitures très ouvragés.

Tout change avec le XVIIIème siècle et Révolution : démocratisé, le lit devient plus intime et personnel ; pour les Romantiques, il est lieu du délassement et des rêveries douloureuses ou exaltées. C’est justement à cette époque que la vogue du lit de repos, apparu au XVIIème siècle, se répand, dans les versions duchesse, duchesse-brisée et méridienne, tout au long des XVIIIème et XIXème siècle : il constitue un lieu à part, privé, réservé à la lecture ou à la rêverie. On le nomme sofa, ottomane ( tous deux désignant le repos «à la turque», ils désigneront plus tard des modèles de canapés ), duchesse en bateau, lit à la turque, turquoise, duchesse brisée, lit à la grecque, veilleuse, méridienne, baigneuse, etc. Des noms qui évoquent l’exotisme, la nonchalance, la rêverie, l’ailleurs, le voyage : des lits réservées aux classes supérieures, qui ont les moyen de passer de longs moments à lire, rêver ou converser.

Ce n’est que de nos jours que le lit a trouvé une fonction unique : celle du repos nocturne. En fait, la Révolution Industrielle a provoqué l’enrichissement progressif des classes inférieures, celles qui trimaient, dans les siècles antérieurs, pour que les autres puissent se prélasser sur leurs lits de repos. Elle a aussi provoqué l’amenuissement, jusqu’à disparition quasi totale, des classes oisives de la société. Qui a, de nos jours, le temps de se prélasser, lire, rêvasser, sur un lit ?

Pourtant, ce meuble inutile (car personne, chez mes grands parents, ne l’utilisait, sauf moi, parfois, pour lire) avait alors un mystère qui lui donnait un charme supérieur à tous les autres. C’est pourquoi je fabriquais inlassablement d’inutiles lits de repos pour la maison de poupée de mes amies, dont l’occupante (qui nous intéressait beaucoup moins que son mobilier) devait être assurément une grande oisive des temps moderne.

Nous n’avons, bien entendu, jamais terminé cette demeure, perpétuellement en chantier, comme le Versailles de Louis XIV. Pourtant, cette maison inachevée, idéale et imaginaire fait partie justement, des souvenirs que je n’ai jamais oublié…

L´histoire secrète d’un parfum

by Antagonisme

Sait-on quand les choses se mettent à exister ? Quel est le moment exact, précis, qui marque le début d’un évènement ? Les Grecs, qui ont presque tout inventé,comme on le sait, ont un concept et une divinité pour cela : Kairos. Le kairos est le moment clef, le point d’inflexion entre passé, présent et avenir, un dimension du temps non linéaire, une intersection immatérielle du temps, projetant dans une autre perception de l’univers, donnant une profondeur infinie à l’instant.

Au moment où le kairos se présente, il se passe peut-être dans l’être humain quelque chose d’analogue à ce que décrit le narrateur de la recherche du temps perdu, évoqué ici. Mais, peut-être, les individus qui vivent ces moments particuliers, ces points d’inflexion, ces match point, comme dans le film de Woody Allen ne sont-ils pas conscients des enjeux de ce qui se déroule en eux et autour d’eux.

Quoiqu’íl en soit, chaque instant n’étant possible que grâce à la succession des instants qui l’ont précédé, à quel moment commence la succession d’instants qui mènent à un instant clef ? Tentons de fouiller dans le passé d’un de ces instant clef. Remontons dans le temps, pour mettre à jour son histoire secrète et voir comment la succession des évènements provoque le précieux et immatériel moment décisif dans lequel elle s’oublie.

Est-ce en 1843 que tout commence ? Lorsqu’un certain Alphonse Rallet, natif de Chateau Thierry, fonde un atelier de savon et parfum à Moscou, au 47 de la rue Vyatskaya, lequel atelier prospère au point de devenir le fournisseur officiel de la famille impériale russe, jusqu’à ce que le même Alphonse Rallet, malade des poumons, décide de vendre son entreprise pour retourner en France. Il stipule cependant que la sociéte devra garder son nom, A. Rallet & Co. De rachat en rachat, la société A. Rallet & Co, l’une des plus grandes parfumeries russes d’origine française, arrive, en 1898, par dans les mains de Chiris, grande maison grassoise de parfum.

Mais peut-être notre histoire (la succession des instants qui rendirent possibles l’instant décisif qui m’intéresse) commence-t-elle encore plutôt, à l’époque des conquêtes napoléoniennes. Lorsqu’un des soldats de l’Empereur, Jean-Joseph Beaux, fait prisonnier à Moscou, décide d’y rester plutôt que de repartir en France et y fait sa vie en temps que membre d’une troupe de théâtre associée au Théâtre Impérial de Saint Pétersbourg. Ce choix de vie ouvre à ses deux fils la possibilité de faire carrière dans le commerce en Russie, et à l’un de ses petits fils, Ernest, qui ne connaît la France que par le service militaire qu’il y effectue en 1900, d’effectuer sa formation puis tout le début de sa carrière de parfumeur dans cette société Ralet dont nous avons parlé, et d’y occuper le poste de directeur technique, à 33 ans, en 1914. C’est en 1917 qu’il fuit la Russie, et trouve refuge à Grasse, dans l’entreprise Chiris, la maison mère, qui tient à conserver ce parfumeur de génie et ses relations, qui compte nombre d’aristocrates exilés russes.

Mais peut-être suis-je allée beaucoup trop loin dans le passé, et peut-être tout ceci commence-t-il plus tard ? En 1916, lorsque plusieurs jeunes gens fomentèrent l’assassinat du staretz Raspoutine. L’un d’eux, le grand-duc Dimitri Pavlovitch Romanov, était un séducteur, fort riche bien entendu, sportif – il participa en 1912 aux Jeux Olympiques de Stockholm. Après le crime, il dut à son statut de prince impérial d’être exilé sur le front perse. Cet exil lui sauve la vie : quelques mois plus tard, éclate la Révolution d’octobre : toute la famille du Grand Duc (sauf sa soeur qui réussit à fuir par la Roumanie), est massacrée (père assassiné en prison, tante et demi frère jetés vivants dans un puit plein d’eau en Sibérie, demi-soeurs violées).

Mais le grand-duc Dimitri Pavlovitch Romanov est recueilli à Téhéran, après la désagrégation du front russe, par le Consul général de Grande-Bretagne en Perse, et il peut rejoindre alors Londres par la mer, avant de se rendre à Paris, chez sa soeur.

A ce moment-là, tout est en place ; tous les instants qui ont précédé et rendu possible l’instant décisif sont en place : il ne reste plus au kairos qu’à se matérialiser.

Retenons notre souffle, et regardons s’organiser les évènements, tandis que la divinité s’approche dans un souffle inaudible :

Dimitri Pavlovitch retrouve sa soeur, Marie Pavlovna, ruinée mais installée en France.

Maria Pavlovna fréquente la directrice d’une maison de couture très en vogue, dite Coco Chanel. Elle lui présente tout naturellement son frère.

Coco Chanel tombe sous le charme du frère.

Le grand-duc Dimitri Pavlovitch connaît bien entendu Ernest Beaux, ex-directeur technique de la parfumerie Rallet, exilé de Russie comme lui même, puisque la Maison Rallet fourni la famille impériale.

Le grand-duc Dimitri Pavlovitch présente à sa maîtresse Ernest Beaux.

Coco Chanel demande alors à ce dernier de lui créer un parfum. Ernest lui propose 10 échantillons, numérotés de 1 à 5, et de 20 à 24.

Chanel choisit le Nº5.

L’essence des choses

by Hélène

Ces tapisseries usées, ce mobilier patiné, parlent non pas de la valeur de l’argent, mais de la valeur du temps.

Lis-je stupéfaite. Et :

Dans une époque où l’on a le sentiment de dévisser sur un toboggan huilé, en ne sachant ni quand ni comment tout cela finira, il est bon d’avoir un fil, fût-il fragile, auquel se raccrocher. Il y a en tout cela une forme de dandysme qui pousse à inverser l’ordre des importances. A renverser l’ordre tout court.

C’est ce qu’écrit Isabelle Cerboneschi dans l’éditorial du Hors Série Mode du Temps, à la lecture duquel, flânant dans la penderie du Vieux Pull, j’ai été conduite.

Dans cet édito, Isabelle Cerboneschi évoque successivement : les hotels de Rough Luxe (Luxe brut), le confort soyeux et rétro des tenues d’intérieur de luxe, le temps qui s’écoule lentement, mesuré par des montres de luxe, et le whisky (écossais) (avec photos….).

Mais ce qui est intéressant est l’évocation du dandysme, d’un goût du luxe qui va au delà de la valeur de l’argent, mais prend ses racines dans la valeur… du temps, qui construit lentement les choses et les use.
Le temps, le Temps, le TEMPS.

Voyons un peu, justement, ce que ça nous dit, cette évocation du temps, et tournons nous vers le spécialiste du Temps, j’ai nommé Marcel Proust. Précisément au moment où le narrateur retrouve le temps, dont il a réalisé, au début de l’oeuvre, qu’il lui avait échappé.

Lors d’une matinée chez la princesse de Guermantes, le narrateur vit une étrange expérience. Il a déjà derrière lui le souvenir de la sensation inconnue qu’une madeleine dégustée a fait naître en lui : une sensation (le contact de pavés disjoints) et un son vont provoquer en lui le même émoi, et c’est alors qu’il va comprendre.

L’être qui était rené en moi quand avec un tel frémissement de bonheur j’avais entendu le bruit commun à la fois à la cuiller qui touche l’assiette et au marteau qui frappe sur la roue, à l’inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et du baptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l’essence des choses, en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dans l’observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans la considération d’un passé que l’intelligence lui dessèche, dans l’attente d’un avenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passé auxquels elle retire encore de leur réalité ne conservant d’eux que ce qui convient à la fin utilitaire, étroitement humaine qu’elle leur assigne. Mais qu’un bruit, qu’une odeur, déjà entendu et respirée jadis le soient de nouveau, à la fois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits, aussitôt l’essence permanente et habituellement cachée des choses se trouve libérée et notre vrai moi qui parfois depuis longtemps, semblait mort, mais ne l’était pas autrement, s’éveille, s’anime en recevant la céleste nourriture qui lui est apportée.

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Au vrai, l’être qui alors goûtait en moi cette impression la goûtait en ce qu’elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu’elle avait d’extra-temporel, un être qui n’apparaissait que quand par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il put vivre, jouir de l’essence, des choses, c’est-à-dire en dehors du temps.

(lien)

Poursuivant son raisonnement, Proust décide alors de rédiger une oeuvre d’art : il s’agit de lire “le livre intérieur de ces signes inconnus” ; mais “pour sa lecture, personne ne pouvait (l)’aider d’aucune règle, cette lecture consistant en un acte de création où nul ne peut (lui) suppléer, ni même collaborer avec (lui).”
Il en arrive à conclure que l’artiste n’est pas libre devant l’œuvre d’art, qu’il ne la fait pas à son gré, mais qu’elle préexiste à l’artiste, et qu’il faut, à la fois parce qu’elle est nécessaire et cachée, la découvrir. “Mais cette découverte que l’art pouvait nous faire faire n’était-elle pas au fond celle de ce qui devrait nous être le plus précieux, et de ce qui nous reste d’habitude à jamais inconnu, notre vraie vie, la réalité telle que nous l’avons sentie et qui diffère tellement de ce que nous croyons que nous sommes emplis d’un tel bonheur, quand le hasard nous en apporte le souvenir véritable” ?

Laissons là Proust, qui s’est décidé à rédiger un chef d’oeuvre inégalable, et revenons à nous, qui ne rédigerons pas de chef d’oeuvre. Nous aussi, nous avons des souvenirs ; en nous aussi, existent le présent et le passé. Nous aussi, nous nous nourrissons de l’essence des choses.

Et cette essence des choses existe en dehors du temps : dans une dimension qui doit être recréée, par l’imagination et la suggestion des sens, de tous les sens.

De tous les sens ? Voyons un peu. Certes, le supplément du Temps évoque spécifiquement le whisky, qui appartient à l’univers de la gastronomie et des vins, et, au delà, de la perception plus raffinée de la nourriture, telle qu’évoquée dans “l’Art de la Frugalité et de la Volupté” – lequel nous expédie directement chez les Stoïciens et donc chez Sénèque (qui vécut dans le Siècle de la mort d’Auguste, le frère d’Octavie).

Quand Isabelle Cerboneschi évoque l’hotellerie de ce nouveau luxe qu’est le Rough Luxe, comment ne pas penser au Grand Hotel de Balbec ? A son charme surranné ? Et là aussi, la patine que les jours passés au Grand Hotel pose sur ses chambres et ses couloirs, cette patine qui rassure le narrateur anxieux , n’est-ce pas le véritable luxe, discret, désuet, ou rugueux, et qui ploie sous le poids du temps ?

Quand un créateur de mode dessine un modèle, que fait-il sinon aller chercher dans les fils du passé qui flottent imperceptiblement autour de nous, un drapé, une couleur, une allusion à un passé ou un ailleurs qui nous appartient collectivement, pour le disposer en touches légères autour du corps des femmes ?

Et le cuisinier qui va de l’avant, d’aller au delà des merveilleuses saveurs des plats concoctés par sa grand mère, que fait-il si ce n’est recréer indéfiniment ces saveurs anciennes, en les éclairant au nouveau jour du temps présent ?

On retrouve donc le temps partout ; le temps qui nous construit, et le temps qui nous précipite interminablement au plus profond de lui, tout en nous projetant vers l’avenir ; nous sommes tous sur le fil qui relie le passé au présent, dans un équilibre à recréer éternellement. Et comme nous n’écrivons pas tous des chefs d’oeuvre pour retrouver en nous “le livre intérieur de ces signes inconnus” du passé, nous allons en des lieux qui nous font ressentir plus que d’autres la cohabitation mystérieuse entre le présent et le passé, nous dégustons des mets qui font renaître en nous le souvenir de tous ceux déjà savourés, nous portons des vêtements qui sont un peu de ce que nous avons été, et de ce que nous voulons être. Parce que nous aussi, nous nous nourrissons de l’essence des choses.

Et c’est justement parce que nous vivons une époque si étrange et si folle, qui a cru pouvoir s’abîmer en elle-même et se découvre fragile, qu’il faut en sortir et regarder à tout prix tout ce qui peut être regardé, apprécié, lu, écouté, savouré, tout ce qui n’a d’autres valeurs que sa propre essence.
Et merci au Vieux Pull et Isabelle Cerboneschi de m’avoir permis de mieux comprendre ce que je pressentais déjà. Il n’est pas facile de lire en nous le livre intérieur des signes inconnus de nos pensées, venues d’un reflux du passé, plongées au fond de nous et soudain précipitées à la lumière de la surface de notre esprit, sans crier gare, au détour d’une lecture.

Dès le matin, la tête encore tournée contre le mur…

by Antagonisme

Dès le matin, la tête encore tournée contre le mur, et avant d’avoir vu, au-dessus des grands rideaux de la fenêtre, de quelle nuance était la raie du jour, je savais déjà le temps qu’il faisait. Les premiers bruits de la rue me l’avaient appris, selon qu’ils me parvenaient amortis et déviés par l’humidité ou vibrants comme des flèches dans l’aire résonnante et vide d’un matin spacieux, glacial et pur ; dès le roulement du premier tramway, j’avais entendu s’il était morfondu dans la pluie ou en partance pour l’azur. Et, peut-être, ces bruits avaient-ils été devancés eux-mêmes par quelque émanation plus rapide et plus pénétrante qui, glissée au travers de mon sommeil, y répandait une tristesse annonciatrice de la neige, ou y faisait entonner, à certain petit personnage intermittent, de si nombreux cantiques à la gloire du soleil que ceux-ci finissaient par amener pour moi, qui encore endormi commençais à sourire, et dont les paupières closes se préparaient à être éblouies, un étourdissant réveil en musique.

Le réveil, c’est de cela dont le narrateur nous parle au début de la Prisonnière. Je sais bien que le texte se suffit à lui même, mais il me renvoie à de si délicieuses et personnelles évocations que je vais y ajouter quelque chose. C’est le matin, vous êtes au lit, et les premières perceptions de la journée s’offrent à vous. Et en effet, les bruits extérieurs vous renvoient une image, une sensation, aprfois même avant d’être totalement réveillé : bruit de la pluie, bruits amortis par la pluie tombée auparavant, ou claire sonorité d’un jour sec. La sensibilité extrême du narrateur rejoint mon expérience quotidienne du réveil, d’abord sonore, puis visuelle.

A la seule différence que les sons ne renvoient pas tout le monde aux mêmes sensations. J’aime, par exemple, le son mouillé des roues de voitures sur l’asphalte ; du moins s’il est associé au froid. Cela m’évoque une journée douillette, ponctuée de thé au citron et de petits gâteaux. A l’inverse, dès que les beaux jours arrivent, l’humidité sonore évoque des journées pourries, trop douces, avec des ciels blancs, bas et pesants.

Mais ce qui me touche surtout, c’est l’évocation de ce moment si doux, le réveil, le passage insensible de l’état de sommeil à la veille, la prise de conscience progressive, la montée lente et rapide tout à la fois, de la conscience, de sa plongée dans notre propre pénombre. Et le rôle que les sens, avant l’esprit, y jouent : les sons, les persceptions lumineuses (avant même de voir).

Crédit photo :  CielLe-paris

H&M Lanvin, Madrid 2010, souvenir

by Hélène

L’année dernière, alors que j’habitais encore à Madrid, il m’a pris tout d’un coup une furie de mode. J’étais en Europe, j’étais dans une capitale, je me suis rendu dans les boutiques H&M pour la collection Lanvin, le 23 novembre 2010, le jour où la dite collection, vue et revue sur le web, serait enfin accessible dans quelques magasins du monde.
J’avais tout fait dans les règles. Planifié. Observé. Repéré ce qui me plaisait. Fort contente de pouvoir ultérieurement me targuer (auprès de qui ? je me le demande, mais passons) d’avoir acheté le sac ou la paire de chaussure ad hoc. Du Lanvin dans mes prix. Et puis, avec la petite touche de happening que ce procédé marketing donne à l’achat d’un sac. C’est LE sac Machin de chez H&M, acheté à MADRID, sur la GRAN VIA, telle année, etc.
J’étais à fond dedans, et fort contente d’y être.
Au jour dit, je prends le métro. Gran Via. Las ! Une file d’attente terrible ; je décide de modifier mes plans (je ne suis pas prête à poireauter trois heures) ; je me balade dans le quartier ; je reviens : oh ! la file d’attente a sérieusement diminuée ; quel est ce prodige ? Je ne cherche pas à comprendre, je profite, je me mets à la suite des autres. On m’a donné un petit bracelet pour prouver que je suis là.
Les autres sont de vraies modeuses, j’ai un peu honte de mon look sortie en courant de chez moi. Ahem. Passons. A force d’attente, nous avançons, grignotons l’espace qui nous sépare du Saint Graal, entrons dans la boutique. Non seulement il nous faut attendre, mais on ne passe que par petits groupes. Le Saint Lieu occupe une petite zone du magasin et des vigiles le protègent. Finalement c’est mon tour, avec une petite dizaine d’autres filles. Nous nous pressons contre le cordon qui nous sépare de notre but, regardant la groupe précédent se jeter sur les vêtements. On sent l’hystérie.
Oui, car je contemple avec quelle vélocité nerveuse, quels rires extatiques, les filles se précipitent sur les portants. Tout ceci semble un petit peu surjoué. Vais-je devoir aussi rire de la gorge et faire Hiiii ? Hum. Surtout que je regarde, et les robes me semblent drôlement moins bien que sur les photos. C’est surprenant.
C’est mon tour. Je suis vraiment bousculée par des filles qui se ruent sur les vêtements. Je me rue un peu aussi. Les robes, vues de près, sont vilaines. Elles n’étaient jolies qu’en photo. Je n’arrive pas à comprendre : est-on sensée trouver cela beau ? Ou est-ce juste du snobisme ? je veux acheter quelque chose, mais pas si c’est importable, or tout me semble importable, sauf peut-être un manteau, qui n’est plus dispo dans ma taille.
Les chaussures me déçoivent : pas trop chères, et très fantaisistes, je les avaient repérées. Les photos suggéraient des couleurs vives et bariolées, mais lorsque je suis devant, couleurs et textures font tellement cheap que j’aurais l’air d’avoir acheté des pompes en plastique à talons de 12 cm chez un soldeur chinois. Il faudra que je me déchausse pour dire aux gens : ça a l’air moche mais c’est Lanvin pour H&M, collection 2010. Ou alors, il faudra que je les porte uniquement en présence de modeuses, mais alors, je mourrai de honte, car je ne serai jamais dans les dernières tendances. Bref, dans quel contexte pourrais-je porter des chaussures pas jolies achetées par snobisme ?
Et les sacs ? En photos, qu’ils semblaient jolis avec leurs motifs fantasques rétro-psychédéliques et leurs petits noeuds – vu de près, le matériau du sac semble lui aussi plastique et le noeud se défait.
Le plus surprenant, c’est que les robes n’ont pas l’air finies, les coutures s’effilochent. J’ai moi même une veste couture apparente qui fait que l’on vient toujours charitablement me dire que je l’aie mise à l’envers, et une jupe avec effet effiloché. Mais là, je regarde les coutures avec surprise : si je tire sur les fils, tout va partir. Certains font 5 cm de long et pendouillent sur les robes. C’est la première fois que je vois des coutures mal cousues qui ressemblent à de vraies coutures mal cousues. Est-ce que ce sont les derniers modèles fabriqués ? Est-ce qu’il y a eu un problème de façon sur ces robe-là, et ils les vendent tout de même ? Suis-je à ce point out ?
Je ne sais pas. En tout cas, je ne peux pas me retenir de penser que cette opération marketing annuelle de H&M est une gigantesque farce. Soyons honnête, il n’y a rien de mettable dans ce que j’ai sous les yeux. On est devant une sorte de kitch chinois européanisé.
Cette année, j’ai repensé à ça en regardant le produit de la nouvelle opération de H&M avec Versace. Prenons cette robe, que je trouve charmante, par exemple.
Mais qu’en est-il de la robe en réalité ?
Quant à celle-ci, je peux presque par avance, et avec regret, deviner ses défauts ; un tel bleu se doit être de qualité, et hélas, sa nuance me semble frôler le cheap – naturellement, je serai peut-être surprise, mais je ne crois pas.
Ce qui m’a fait rêver, c’est la médiatisation de l’affaire, sa mise en scène, le discours qui l’en toure. Je suis bon public, trop bon public.
Mais, comme le disait déjà Saint Jean Chrysostome (dans un contexte quelque peu différent), « tant que les spectateurs regardent le spectacle, le masque subsiste. Le soir venu, la pièce finie, les spectateurs s’en vont, le mensonge s’évanouit, la réalite se montre ; l’homme libre de la pièce, dans la vie n’est plus qu’un esclave ».

Dans ce magasin H&M, je me suis sentie honteusement l’esclave de cette immense escroquerie marketing.

Octavie

by Hélène

Octavie naquit à Rome, ou dans une grande villa de sa banlieue, dans l’une des propriétés de la famille de son fort riche père, Gaius Octavius, 69 ans avant le début de notre ère, aux temps troublés de l’interminable guerre civile de la fin de l’époque républicaine.

Sa mère, Julia Attia, faisait partie de l’antique famille des Julii, et avait pour oncle un certain Jules César, qui à cette date n’avait pas encore entamée la brillante carrière qu’on lui connait.  Octavie avait une soeur, Octavie l’Ainée, issue d’un premier mariage de son père, et un frère utérin, Octave – le futur Auguste.
Elle grandit entourée d’une population de servantes, de serviteurs et d’esclaves qui exécutent ses moindres désirs. Tout comme ceux de sa soeur et de son frère.
Les jardins sont vastes, on y circule au mileu des arbres, des fleurs et des fontaines. Octavie, comme son frère, aime la littérature et la poésie.
Son père meurt alors qu’elle a 10 ans ; sa mère se remarie avec le consul Lucius Marcius Philippus. A 15 ans, son beau-père la marie à Gaius Claudius Marcellus Minor, homme de haut rang (consul en 50 av. J.-C.), grande famille patricienne, descendant de Marcus Claudius Marcellus, grand général qui s’est illustré lors de la Deuxième Guerre punique.

Octavie n’a pas à se plaindre, ne se plaint d’ailleurs pas, et épouse.

Marcellus meurt en 40 av. J.-C. Octavie a 29 ans et trois enfants de ce mariage : deux filles et un fils.
Alors, c’est son frère Octave, redoutable prédateur politique, qui la marie à Marc Antoine : un mariage sensé renforcer l’union chancelante entre les deux héritiers de César. Octavie part en Grèce, à la suite de son général de mari, avec ses trois enfants, et les deux que Marc Antoine a eu d’un précédent mariage. Elle a deux enfants de son nouveau mari.
Peu de temps après, Marc Antoine, parti en Egypte, alors qu’Octavie est restée en Grèce, rencontre Cléopâtre. Coup de foudre, comme on sait ; la reine d’Egypte ne laisse pas repartir son général.

Octavie rentre à Rome ; mieux qu’Angelina Jolie, elle est à la tête d’une famille de sept enfants. Elle s’installe à Rome, dans la maison de Marc Antoine, et élève ses enfants.
Marc Antoine divorce d’Octavie en 32 av. J.-C. Avant de mourir deux ans après. Comme Cléopatre.

Leurs deux parents étant morts, Octavie accueille chez elle les trois enfants de Marc Antoine et Cléopâtre, et les élève avec les siens. Elle aurait probablement récupéré Césarion, le fils de César, mais son frère Octave, décidé à être le seul successeur de César, l’a fait assassiner. Elle a une quarantaine d’années.
Son fils, Marcus Claudius Marcellu, est adopté par Octave, devenu Auguste, qui n’a pas d’héritier, mais il meurt de maladie en 23 av. J.-C.. Octavie est très affectée par ce décès, et elle crée la Bibliothèque de Marcellus en sa mémoire, tandis que son frère Auguste, érige un théâtre, le Théâtre de Marcellus, en son honneur.

Octavie s'évanouit à l'annonce du décès de son fils (Ingres)

Incapable de surmonter la douleur de la perte de son fils, Octavie se retire de la vie publique et passe ses dernières années dans l’obscurité en portant le deuil, non sans avoir marié sa progéniture un peu partout dans le monde romain.

Cette femme m’a toujours frappé par ce qui se dégage d’elle a travers les auteurs. Octavie échappe totalement – contrairement à d’autres femmes de la dynastie julio-claudienne – au regard critique des historiens de l’époque, tous issus de la classe sénatoriale, dépouillée de ses anciens pouvoirs au profit des empereurs, et prompt à désinformer les siècles au sujet des dirigeants romains, ou des membres de leur famille, qui leur déplaisent.
Or, ce qui frappe avec Octavie (du moins cette Octavie-là), c’est l’unanimité qui se fait autour d’elle. Tout le monde est d’accord pour lui conférer le rôle de femme parfaite, même le Sénat qui, après sa mort, vote des festivités et des honneurs pour cette femme exceptionnelle : et c’est son frère, l’Empereur, qui s’oppose à ce qu’on les lui rende ces hommages là.
Pourtant, femme parfaite, c’est une vue de l’esprit, et singulièrement de l’esprit masculin. Qui est Octavie ? Comment l’atteindre à travers les siècles ?
A quoi songe-t-elle, quand elle revient de Grèce, avec sa farandole d’enfants ? Son frère, Octave, lui propose de quitter la maison de l’homme qui l’outrage en lui préférant une princesse orientale. Le voilà bien soucieux, tout d’un coup, de l’honneur d’une femme qu’il marie à sa guise.
Mais Octavie refuse. Elle ne risque rien à accepter, pourtant : Marc Antoine est loin, ses partisans ne sont pas majoritaires à Rome, elle est la soeur de l’homme au pouvoir dans la Ville éternelle. Mais elle refuse.
Que dit-elle à son frère ? Elle déclare, selon Plutarque  » qu’elle n’abandonnerait pas la maison de son mari, et elle dit à son frère lui-même que, s’il n’avait pas d’autres motifs pour faire la guerre à Antoine, elle le conjurait de ne pas tenir compte de ses affaires à elle, car il serait même honteux d’entendre dire que les deux plus grands chefs plongeaient les Romains dans la guerre civile, l’un pour l’amour d’une femme et l’autre par jalousie.  »
S’il n’avait pas d’autre motif pour faire la guerre à Antoine ! Octave n’a d’autres motifs pour faire la guerre à Antoine que la conquête du pouvoir, au nom du bien de la république.
A quoi joue Octavie ? Elle cherche simplement à glisser hors des mains de son frère. Une épouse n’abandonne pas la maison de son mari. J’aime assez sa façon transparente de filer entre les mailles du filet de son frère et des historiens romains. De nos jours, l’indignation de salon est à la mode ; on aimerait peut-être qu’Octavie ait eu ds gestes, des mots, des postures. Rien de tout cela : sa posture, c’est celle de la matrone parfaite.
Octavie me fait penser à Thomas Becket, ce favori du roi Henri II, courtisan noceur et joyeux, qui, une fois nommé par le roi à la tête de l’Eglise d’Angleterre, pour le débarrasser des privilèges du clergé anglais, se transforma, sous les yeux de ses contemporains stupéfaits, en prélat exemplaire, farouche défenseur des privilèges de l’Eglise d’Angleterre, adversaire résolu de l’autorité du roi auquel il devait tout.
Les enjeux sont moindres, mais Octavie aussi refuse d’obéir à son frère. Elle reste chez elle, c’est-à-dire chez Antoine, et élève « avec soin et magnificence non seulement ses propres enfants, mais encore ceux de Fulvia, et, lorsqu’Antoine envoyait certains de ses amis briguer des charges ou suivre des affaires, elle les recevait et les aidait à obtenir de César ce qu’ils souhaitaient. En agissant ainsi, elle causait sans le vouloir du tort à Antoine, que ses injustices envers une telle femme faisaient détester ».

A quoi pense-t-elle, Octavie, dans sa maison, entourée d’esclaves et de domestiques qui la déchargent de tout souci domestique. Lit-elle ? Reçoit-elle ses amis ? reçoit-elle parfois son frère ? A-t-elle des amants ? A-t-elle des maìtresses ? En tout cas, déjà, la sainte matrone outragée qui accomplit son devoir rallie tous les suffrages des Ivan Levai et autres Jean-François Kahn du monde romain.
Octavie décède en 11 av. J.-C.. Son enterrement public a lieu cette même année, en grandes pompes, avec ses beaux-fils portant le cercueil, et certains honneurs posthumes décernés par son frère : déification, avec construction de temples, et de la Porte d’Octavie et du Portique d’Octavie. Mais Auguste refuse les honneurs que le sénat a décrété pour cette femme trop parfaite aux yeux des sénateurs.
Il ne reste donc plus d’elle que ce souvenir irritant de matrone paradigmatique, et l’entêtement discret dont elle sut faire preuve envers son frère.

Le cas de la princesse Sherbatoff

by Hélène

La princesse Sherbatoff n’est pas un personnage de grande importance, je l’ai redécouverte en relisant Sodome et Gomorhe. Et pris conscience de tout ce qu’elle cachait.

La princesse Sherbatoff, nous dit le narrateur, n’est plus reçue par personne, on ne sait pourquoi. Ou plutôt, si, elle est reçue par la Grande Duchesse Eudoxie aux heures où elle ne reçoit personne. Mais si la Grande Duchesse agit ainsi, c’est qu’elle ne se soucie par de montrer qu’elle fréquente la princesse. Ce que celle-ci sait fort bien.
Voici comment cet exil mondain est exploité :
C’est un milieu charmant, me dit Cottard, vous trouverez un peu de tout, car Mme Verdurin n’est pas exclusive: des savants illustres comme Brichot de la haute noblesse comme, par exemple, la princesse Sherbatoff, une grande dame russe, amie de la grande-duchesse Eudoxie qui même la voit seule aux heures où personne n’est admis.» En effet, la grande-duchesse Eudoxie, ne se souciant pas que la princesse Sherbatoff, qui depuis longtemps n’était plus reçue par personne, vînt chez elle quand elle eût pu y avoir du monde, ne la laissait venir que de très bonne heure, quand l’Altesse n’avait auprès d’elle aucun des amis à qui il eût été aussi désagréable de rencontrer la princesse que cela eût été gênant pour celle-ci.

Donc, alors que la Princesse est bien contente d’avoir trouvé les Verdurin, ils sont en fait tout ce qu’elle a en guise de vie mondain, la malheureuse.

Son absence de relations avait permis à la princesse Sherbatoff de montrer, depuis quelques années, aux Verdurin une fidélité qui faisait d’elle plus qu’une «fidèle» ordinaire, la fidèle type.

Voici comment la Princesse présente les choses :

Vis-à-vis des étrangers—parmi lesquels il faut toujours compter celui à qui nous mentons le plus parce que c’est celui par qui il nous serait le plus pénible d’être méprisé: nous-même,—la princesse Sherbatoff avait soin de représenter ses trois seules amitiés—avec la grande-duchesse, avec les Verdurin, avec la baronne Putbus—comme les seules, non que des cataclysmes indépendant de sa volonté eussent laissé émerger au milieu de la destruction de tout le reste, mais qu’un libre choix lui avait fait élire de préférence à toute autre, et auxquelles un certain goût de solitude et de simplicité l’avait fait se borner. «Je ne vois personne d’autre», disait-elle en insistant sur le caractère inflexible de ce qui avait plutôt l’air d’une règle qu’on s’impose que d’une nécessité qu’on subit.

Et avec une douloureuse lucidité Proust précise que la Princesse se ment à elle même (celui à qui nous mentons le plus parce que c’est celui par qui il nous serait le plus pénible d’être méprisé). C’est probablement un sentiment qu’il connait, en tout cas je le connais fort bien, ce sentiment, de ne pas être reçue comme on voudrait pqr une personne que l’on apprécie, ou dont on se fait une idée très positive mais qui semble décidément ne pas nous apprécier. D’autres passages du roman indiquent que cette délicatesse complexe de sentiments est propre au narrateur.

La Princesse a la chance que son petit subterfuge fonctionne parfaitement puisque Madame Verdurin, dans sa satisfaction d’avoir une fidèle idéale qui soit de surcroît une Altesse, entretient – ou est dupe ? (Que M. et Mme Verdurin ajoutassent foi ou non à cette fiction, ils avaient aidé la princesse à l’inculquer dans l’esprit des fidèles.) – de la situation. Cottard, qui n’est pas bien malin, est épaté de la présence de la Princesse Sherbatoff.

Et ceux-ci étaient persuadés à la fois que la princesse, entre des milliers de relations qui s’offraient à elle, avait choisi les seuls Verdurin, et que les Verdurin, sollicités en vain par toute la haute aristocratie, n’avaient consenti à faire qu’une exception, en faveur de la princesse.

Ce snobisme est tellement humain, tellement profondément vrai. Ne le rencontre-t-on pas partout, quelque soit le milieu, même hors de toute côterie littéro-artistique ?

La Princesse permet à Madame Verdurin et à son petit clan d’aller au théâtre, mais dans des conditions propres à flatter leur orgueil :

La princesse était fort riche; elle avait à toutes les premières une grande baignoire où, avec l’autorisation de Mme Verdurin, elle emmenait les fidèles et jamais personne d’autre.

C’est Madame Verdurin, la Patronne, qui autorise gracieusement la Princesse à l’inviter avec les fidèles….

On se montrait cette personne énigmatique et pâle : car si le clan peut ainsi se faire inviter au théâtre, c’est bien pour se faire voir. Ce mystérieux et sélect petit groupe de gens, dans cette baignoire appartenant à une riche personne attire l’attention du public, désigné par ce “on”. La Princesse et la Patronne y trouvent leur compte, ainsi que les membres du petit noyau.

Si Mme Sherbatoff ne regardait pas la salle, restait dans l’ombre, c’était pour tâcher d’oublier qu’il existait un monde vivant qu’elle désirait passionnément et ne pouvait pas connaître.

Quelque faute (ignorée du lecteur) fait que la Princesse est ostracisée du monde. Elle feint donc de s’en éloigner d’elle même mais la douleur de son isolement n’échappe pas à Proust qui – exilé sur le sol au milieu des huées – connait parfaitement ce sentiment. La princesse était forcée, si on lui parlait de quelqu’un ou si on lui présentait quelqu’un, de feindre une grande froideur pour maintenir la fiction de son horreur du monde.

Mais cette froideur n’est que superficielle. Néanmoins, avec l’appui de Cottard ou de Mme Verdurin, quelques nouveaux réussissaient à la connaître, et son ivresse d’en connaître un était telle qu’elle en oubliait la fable de l’isolement voulu et se dépensait follement pour le nouveau venu.

Quitte, comme il arrive souvent, à être finalement déçue, la Princesse ne désire rien d’autre que socialiser. Avoir des amis. Etre aimée. Comme tout le monde.

Autre détail sur la Princesse Sherbatoff : Elle avait pris depuis de longues années, par peur des rebuffades, l’habitude de se tenir à sa place, de rester dans son coin, dans la vie comme dans le train, et d’attendre pour donner la main qu’on lui eût dit bonjour.

Toujours dans la crainte d’être rejetée.

Mais plus tard, quand le narrateur se dit tout d’un coup bouleversé d’émotion, heureux de se rendre chez les Verdurin, la Princesse réagit avec plus de froideur :

Mon exaltation était à son comble et soulevait tout ce qui m’entourait. J’étais attendri que les Verdurin nous eussent envoyé chercher à la gare. Je le dis à la princesse, qui parut trouver que j’exagérais beaucoup une si simple politesse. Je sais qu’elle avoua plus tard à Cottard qu’elle me trouvait bien enthousiaste.

Le narrateur et la Princesse sont deux âmes sensibles, mais chacun de leur côté ; ils ne se comprennent pas. L’émotion du narrateur reste incompréhensible à la Princesse, qui gère si étroitement ses propres émotions. Elle le regarde et le trouve un peu étrange. Elle parlera de lui derrière son dos et Cottard confirmera que le narrateur est trop émotif. En fait, il n’est pas trop émotif, mais il ne sait pas tout à fait contrôler ses émotions, au contraire de la Princesse, qui pourtant, dans son exil social, souffre, mais sans le dire. Elle a “peur” des rebuffades, c’est pour elle une “ivresse” de rencontrer quelqu’un, elle désire “passionnément” le monde.

Mais elle couvre et dissimule toutes ces passions, tous ces mouvements de son coeur. Parce qu’il est dangereux pour certains de se montrer soi même, tel que l’on est. Et si les autres, profitant de ces informations, en profitaient pour vous abuser et vous blesser ? Il faut se blinder – mais pour ceux qui n’ont pas de carapace naturelle, c’est un peu difficile.

Peut-être est-elle trop sèche, trop control freak et peut-être est-ce pour cela qu’elle se retrouve seule.

Parce que la Princesse Sherbatoff, telle qu’elle se dégage des lignes que le narrateur lui consacre, n’est guère sympathique : elle est froide, distante, je ne sais s’il faut l’imaginer mince et sèche ou lourde et imposante, mais elle ne donne guère envie d’être fréquentée pour ses qualités personnelles. Seule une arriviste comme Madame Verdurin peut trouver un intérêt à cette fade personne : son origine sociale, qui éblouit les membres de son petit clan.

Elle est donc condamnée à être incomprise, à n’être qu’un faire valoir, cette pauvre Princesse. Il fallait tout le snobisme de Madame Verdurin pour en faire un personnage.

Avec Lindsay Lohan, Ungaro a-t-il perdu son âme ?

by Hélène

« La collaboration avec Lindsay Lohan est un désastre. Je suis furieux mais je ne peux rien faire, car je n’ai plus aucun lien avec cette maison » Ainsi s’est exprimé Emmanuel Ungaro à Estoril au Portugal, lors du Festival de cinéma. Il a ajouté :  » C’est arrivé avec beaucoup de stylistes. Nous étions créateurs et patrons, responsables de la création et des destinés de la maison. Mais quand nous avons cédé notre maison, nous avons cédé notre âme ».

Que veut-il dire par là ? Emanuel Ungaro a vendu en 1996 sa maison au groupe italien Ferragamo pour mieux se développer. Mais il est difficile de ne plus être le maître chez soi… Il fait donc ses adieux au monde de la mode parisienne le 26 mai 2004.

En septembre 2009, la maison Ungaro annonce, dans un communiqué de presse, la stupéfiante nouvelle : Lindsay Lohan est promue conseillère artistique de la marque. Or, la starlette est plutôt connue pour ses frasques, ses virées nocturnes et ses problèmes d’alcool que pour ses talents artistiques, quelqu’en soit le domaine. Cependant, Lindsay a considéré cette nomination comme un conte de fées. Sa carrière semblait relancée.

Dans le même temps, Esteban Cortazar a jeté l’éponge. Le directeur artistique d’Ungaro avait du reste prévenu qu’il abandonnerait son poste si Lindsay Lohan était nommée au sein de l’équipe créative.

Comme on pouvait s’y attendre, le défilé, en octobre 2009, a été une véritable catastrophe : les journalistes de modes hésitent entre le rire et la consternation. Comment a-t-on pu ainsi laisser une starlette ignare massacrer une marque ?
Certaines marques sont, hélas, prêtes à tout pour se donner de la visibilité, y compris à des alliances contre nature avec des personnages publics dont la notoriété ne compense pas la vulgarité ou tout au moins la totale incompétence en stylisme.

Les acheteurs eux mêmes boudent la marque : Neiman Marcus et Net-a-Porter, aux Etats-Unis, ne commercialiseront pas la marque, pas plus que Barneys et Saks.

La maison Ungaro, qui espérait relancer ses ventes, est donc devant un flop total.

Emmanuel Ungaro peut pleurer l’âme perdue de sa marque. Il n’y a rien à faire.